

Albertine
Albertine a 20 ans quand elle tombe raide amoureuse de l’orgue de barbarie.
Depuis, la manivelle ne quitte presque plus ses mains : elle la trimbale de troquet en bar, de marché couvert en terrasse un peu bruyante.
Elle gratte l’amitié des patrons, s’incruste, joue, fait chanter l’rencard de 18 h, puis file ailleurs avant qu’le mousseux chauffe.
Son répertoire picore dans la java, le musette et quelques tubes plus pop qu’on croit ; c’est jamais la meme set-list, elle improvise beaucoup.
Entre deux tournées, elle retape ses cartons, colle des gommettes dessus — question d’humeur paraît-il.
Pas d’sono, pas d’pedalier : juste sa voix claire qui accroche l’oreille, et l’odeur de bois ciré de l’instrument.
Elle dit souvent qu’ « une vraie chanson tient sans électricité », et ses habitués hochent la tête, verre levé.
On la retrouve un lundi à Chaumont, le vendredi à Langres, parfois au fond d’un bistrot qui ferme tard, ou devant un café-librairie qui ouvre tôt.
Demain ? elle sait pas trop… tant que la rue et les zincs veulent d’elle, elle tournera, promis.
